L’agriculture de proximité se développe en ville, dans tout l’Occident. Son credo : acheter des produits agricoles locaux pour faire vivre les petits paysans et réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Dans le monde des légumes, le panais n’est pas un nouveau-né. Oubliée telle un topinambour, la douce racine en forme de tête de lutin revient en force. Surtout, c’est un légume de saison. Un de ceux qui feraient rougir de honte les adeptes des cerises du Chili, encore sous le choc du décalage horaire.
En réduisant le nombre d’intermédiaires, l’agriculture de proximité privilégie les circuits courts. De ce fait, elle réduit les transports et les émissions de CO2. Une étude allemande de 1992 menée par Stefanie Böge, spécialiste des transports à l’Université de Kassel, montre qu’un yaourt et son pot de verre parcourent 9 000 km pour arriver dans une assiette. En achetant local, ces va-et-vient peuvent être évités, et valorisent les producteurs de fruits et légumes à petite échelle.
Les distances parcourues par le transport ne sont pas un problème concernant les Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap), dont les premières furent créées au Japon dans les années 60. En adhérant à une Amap, les consommateurs achètent directement leurs aliments frais aux agriculteurs, eux aussi adhérents. Pour ce faire, il faut payer à l’avance un nombre choisi de paniers de fruits et légumes. Ce type d’engagement rencontre un succès croissant, y compris en France. « L’engagement permet de sécuriser le paysan, qui est sûr de vendre sa production », explique Nicolas Formet, informaticien fondateur et bénévole d’une Amap récemment créée dans le 14ème arrondissement de Paris. Pas de kiwis de Nouvelle-Zélande au menu, tout producteur se trouve à moins de 100 km du lieu de vente. « C’est un maraîcher de l’Aube qui fournira chaque semaine cinquante paniers de fruits et légumes de saison, – chacun pesant 5 kilos, pour le prix de 15 euros – à environ 80 familles. Lesquelles devront récupérer leur panier chaque semaine durant un an ».
« Pendant les vacances, il faut penser à demander aux voisins d’aller chercher le panier », concède-t-il. Et les choux et blettes 7 jours sur 7 pendant l’hiver, c’est parfois lourd à digérer. Mais consommer local, c’est donner de la valeur aux particularités des sols de chaque région, et aux savoir-faire des paysans. C’est-à-dire valoriser le terroir.
Les AMAP sont présentes un peu partout en France, vous trouverez sur cet annuaire des AMAP la présentation d’une centaine d’entre elles.
Consommer local fait pousser les centaines de variétés de semences sélectionnées depuis des millénaires par les hommes. Un patrimoine de biodiversité nécessaire pour maintenir les sols en place. « On cultivait plus de 300 variétés de pommes en France au XIXème siècle, alors qu’aujourd’hui, moins d’une dizaine sont commercialisées à grande échelle », déplore Claude Gruffat
L’agriculture paysanne de proximité et bio est le fer-de-lance de cette association fondée en 1986, qui regroupe des coopératives de paysans, des magasins et des consommateurs. L’aspect coopératif est important, car « si un maraîcher rate une année sa production de salade, la coopérative pourra toujours en vendre, grâce aux autres producteurs », assure Claude Gruffat. Encore une fois, le local est essentiel, car « il vaut mieux du non-bio local que du bio lointain ». Mais où s’approvisionner ?
Avec une carte de fidélité, c’est encore mieux. « Aux Etats-Unis, il existe déjà des cartes communautaires, qui ne fonctionnent qu’avec des commerçants proches et reversent l’argent à des associations locales », lance Elisabeth Laville (voir Les sociétés changent grâce aux individus et aux structures), fondatrice du cabinet Utopies, lors d’un débat organisé par Nature et Découvertes. L’achat local à la carte fidélise le consommateur. Lequel devra faire un peu de marche à pied pour ramener chez lui des victuailles fraîches en quantité, et dont l’origine est garantie. Désormais, consommer local est un luxe à la portée de tous.